Une petite musique de nuit

Aaron Copland 1900 - 1990
Four Piano Blues

George Crumb 1929 - 2022
Eine Kleine Mitternachtmusik - Une petite musique de minuit
Ruminations on Round Midnight de Thelonious Monk pour piano amplifié

Maurice Ravel 1875 - 1937
Miroirs

La modernité du début de 20ème siècle amène les compositeurs américains à s'intéresser aux musiques populaires et plus particulièrement au jazz et au blues comme en témoigne la méditation lyrique des Four Piano Blues de Copland de 1948, ou, plus d'un demi-siècle plus tard, l'inventivité, l'improvisation aux teintes métaphysiques d'un George Crumb sur le thème de Thelonious Monk, Round Midnight. 

La recherche musicale de Crumb puisée dans les traditions orientales ou populaires porte sur une dimension sonore empreinte de mysticisme nourrie par une grande sensibilité poétique. Il exploite et réinvente des effets de l'instrument, notamment toute une palette de résonances déployée au service de son monde sonore. Au-delà du voile nocturne qui entoure l'œuvre, ce n'est peut-être pas un hasard si Crumb, épris de spiritualité use du sous-titre Ruminations qui nous renvoie à la pensée nietzschéenne sur l'acceptation de l'oubli comme puissance de libération. 

Aux Ruminations on Midnight Round de Monk, font échos le monde des Miroirs ravéliens, avec entre autres, leurs Noctuelles, Oiseaux tristes ou La vallée des cloches, un monde de courants, envols et résonances qui finalement retourne au silence. Ici, derrière une apparence impressionniste, la nuit est celle de la conscience troublée "au seuil de l'instant", suspendue entre le réel et son reflet. Dans ce cycle qui traduit dans un geste pictural l'ambiance dans laquelle évoluent cinq personnages se regardant chacun dans un miroir, Ravel tourne et retourne, rumine en un mot, la citation de Shakespeare “La vue ne se connaît pas elle-même avant d'avoir voyagé et rencontré un miroir où elle peut se reconnaître.” (Jules César).